Télétravail : le «blurring» menace-t-il nos vies pro et perso

Qu’est-ce que ce blurring qui se répand dans le monde du travail ? Avec le développement du télétravail, l’effacement des frontières entre vie professionnelle et vie personnelle conduit les entreprises et les salariés à chercher de nouvelles solutions.

Souvenez-vous !

Mars 2020, nous sommes un peu abasourdis devant notre télévision. Emmanuel Macron nous annonce que nous sommes en guerre contre un virus et, parmi les mesures à prendre pour lutter, il invite à systématiser le télétravail. Si la pratique n’était pas nouvelle, elle n’était pas non plus très répandue. « Le premier confinement a été total et a fait la démonstration que beaucoup de métiers pouvaient télétravailler efficacement. » soutient Stanislas Muel, d’Harmonie Mutuelle au Boson Project qui l’interroge pour son livre blanc Le Travail en chantier


Et effectivement, nous nous adaptons. Le travail se digitalise encore un peu plus. Zoom, Teams et autres solutions de visioconférence explosent. Onoff Telecom voit les demandes pour son service de téléphonie d’entreprise mobile et dématérialisé booster. Grâce à l’engagement des collaborateurs, les organisations s’adaptent dans l’ensemble sans difficultés majeures au télétravail.

Métro, boulot, dodo

C’est ainsi que notre bureau s’installe à notre domicile. Et qu’il y reste, permettant au plus grand nombre de profiter de ses avantages. Car une fois que les questions d’équipement et de matériels ont été réglées, nous avons pu profiter des effets bénéfiques du télétravail. On profite d’un temps de trajet économisé (1h24 en moyenne pour les franciliens…), d’avoir plus de temps pour la famille, de pouvoir se concentrer sans être interrompu ou distrait en permanence. On travaille dans un environnement familial et plus confortable. Les télétravailleurs déclarent avoir plus de temps pour leurs proches et pour eux-mêmes. Travailler chez soi permet de moins stresser et de mieux dormir : jusqu’à 1h de plus par jour d’après le magazine Epsiloon !

Télétravail, le côté obscur

Mais passer cette période de grâce, et avec le prolongement de la pandémie, la distanciation et le difficile équilibre entre vie pro et vie perso viennent contrebalancer ces aspects positifs. Les enfants et les chats envahissent les réunions. Et les salariés ne savent plus quand commence et quand s’arrête le travail.
« Je garde toujours mon téléphone sur moi, même le soir ou en vacances, confiait au Figaro Guillaume (prénom modifié), cadre dans les transports. Je me déconnecte très rarement, je vois le nombre de mails qui monte et ça m’angoisse. » Nos emplois du temps se brouillent. Nous pouvons regarder nos mails à toute heure, être contactés en plein milieu de nos vacances : bref nous voilà encore plus connectés.

Un phénomène déjà existant mais qui a bien été accentué par le Covid. Une étude réalisée par Poly, publiée le mercredi 6 octobre 2021, indique que le télétravail contraint souvent les employés à rester toujours connectés et disponibles. 58% des 7261 travailleurs qui ont répondu à leur sondage ont ressenti que la déconnexion était compliquée, et que cela engendrait plus de fatigue et de stress. Les salariés déplorent un travail sans horaires fixes et le fait de devoir faire des heures supplémentaires en mettant de côté les moments passés entre collègues. Même constat dans l’étude de l’enseignante-chercheuse Sara Elouadi de l’université Hassan II de Casablanca. Elle montre que 42,7% des salariés interrogés constatent une altération et un déséquilibre entre la famille et le travail. Bref nous souffrons de Blurring !

Blurring ou la fin des frontières entre vie pro et vie perso

En anglais, le blur signifie le flou, le brouillé. Le blurring désigne donc cet effacement des frontières entre le travail et la vie privée. En français, on parle de brouillage professionnel. Or ce blurring a des effets néfastes sur notre santé mentale.
« Quand la vie professionnelle prend le pas sur la vie personnelle, on coupe ses temps de repos, ça entraîne un niveau de stress élevé, de façon quasi-constante », explique au Figaro Nolwenn Anier, docteur en psychologie sociale. À long terme, la conséquence, c’est l’épuisement. » Irritabilité, impatience, le stress lié au travail rejaillit chez soi et l’on perd ses soupapes de décompression. 

Ce phénomène se développe d’autant plus avec le télétravail. Pourtant, son apparition n’est pas récente mais débute avec le développement du numérique. « Cela est lié à l’avènement du numérique qui fait qu’aujourd’hui les frontières de l’entreprise ne s’arrêtent plus à la sortie du bureau », souligne Stéphanie Lecerf, DRH chez PageGroup France, interrogée par Courrier Cadre. 

D’ailleurs une étude récente, mentionnée dans l’article « You’re Right ! You Are Working Longer and Attending More Meetings » de Raffaella Sadun, Jeffrey Polzer et al., publié par Harvard Business School, en 14 septembre 2020, démontre que les salariés en télétravail consacrent 48,5 minutes de plus par jour à leur travail. Des heures supplémentaires grignotées sur nos temps personnels.

Comment le blurring perturbe la santé mentale

Car si, dans un premier temps, on a pu constater que le télétravail augmentait la productivité et facilitait le repos, il développe aussi le blurring qui a des effets néfastes sur la santé psychosociale et sur la productivité. Solitude, anxiété, culpabilité et irritabilité, autant d’émotions négatives et contre productives qui nuisent au salarié et à son travail.
Le blurring peut devenir chez certains un stress chronique et engendre une pression psychologique notamment à cause des contrôles sur le travail à des heures indues, ou l’exigence de disponibilité permanente ou encore la nécessité de devoir répondre rapidement. Une surcharge d’information qui vient constituer une charge mentale trop lourde. Le blurring mène ainsi au burn-out, cet épuisement physique et psychologique lié à une surcharge de travail.

Un phénomène qui inquiète

La problématique du blurring inquiète donc les RH depuis déjà un certain temps. Dès 2016, certains mettent en place des accompagnements pour sensibiliser les collaborateurs, et surtout les managers, sur le phénomène en proposant des chartes de bonnes pratiques pour faciliter la déconnexion. L’objectif étant que l’on ne sente plus obligé de répondre à un e-mail ou à un appel en dehors des heures de boulot.

Le gouvernement lui-même a pris des mesures pour pointer le problème. La Loi El Khomri d’août 2016, affirme le droit à la déconnexion en dehors des horaires de travail afin d’« assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale » des employés.

Lutter contre le blurring

Mais comment concrètement lutter contre le blurring et ses conséquences ? Au niveau personnel, nous pouvons mettre des garde-fous en place pour matérialiser cette frontière entre la vie perso et le bureau.

  • Dédier un espace chez soi pour travailler, dans la mesure du possible.
  • Informer son entourage que l’on se met à travailler. Histoire d’être moins dérangé et de se plonger dans ses tâches pour savoir en ressortir.
  • Instaurer des rituels matinaux pour marquer le début de la journée de travail et aussi en fin de journée, pour se signifier à soi-même que l’on coupe.
  • En prévoyant des pauses actives, pour couper la journée en deux, en allant faire une promenade, une course ou une méditation.
  • Couper son téléphone pendant le déjeuner, pour bénéficier d’une vraie pause.
  • Prévenir ses collègues quand on a fini ou que l’on part en pause.


Les entreprises aussi peuvent agir pour mieux marquer la frontière du travail et encourager leurs collaborateurs à s’y tenir.

  • Doter les salariés des bons outils pour gérer efficacement le télétravail.
  • Prévoir des formations ou des sessions de coaching en faveur des employés qui en ont besoin
  • Se mettre d’accord sur des horaires de télétravail
  • Encourager les salariés à envoyer leurs emails pendant les heures de bureau et préciser qu’aucune réponse immédiate n’est attendue pour un email envoyé en horaire décalé
  • Prendre le pouls des équipes et des individus régulièrement

Les entreprises peuvent aller jusqu’à se doter d’un Chief Happiness Officer. Une fonction qui s’est développée aux États-Unis et est parfois décriée. Mais si elle traduit une véritable volonté de la direction de travailler sur le bien-être au travail, alors cela peut avoir un véritable impact positif et même s’intégrer dans la politique RSE des corporations.

Quels outils contre le blurring ?

Des outils peuvent être mis en place pour faciliter la déconnexion et bien prendre le pouls de la santé des salariés. D’ailleurs de nombreuses entreprises innovantes se sont lancées et se développent sur ces sujets : 

  • Onoff Business permet aux entreprises de doter leur collaborateur d’un numéro de portable professionnel, à moindre frais. Ce second numéro permet de bien différencier vie pro et vie perso. Il peut même être mis en “off” en dehors des horaires travaillés. Onoff business s’adapte particulièrement bien au télétravail puisque la solution est entièrement dématérialisée. Il suffit au collaborateur de télécharger une application pour être joignable depuis son smartphone via son numéro professionnel. Le manager attribue à distance les numéros et gère ainsi facilement les nouveaux arrivants comme les départs.

  • TeamMood se consacre à l’écoute des salariés afin d’aider les managers à suivre l’humeur des équipes et à réagir en cas de dégradation. L’outil propose à chacun d’évaluer chaque jour son état d’esprit et de commenter anonymement les côtés positifs et négatifs. Un tableau permet de suivre l’évolution de l’humeur générale et offre donc un signal fort sur la santé psychologique d’une équipe.

  • Moka.care propose des sessions individuelles et collectives de thérapie et de coaching. Sur la base d’un tarif par employé et par mois, le service donne accès à un ensemble de contenus self-care et aux conseils de leur équipe de psychologues référents pour tous les employés. Dès que ces derniers en ressentent le besoin, ils peuvent aussi faire appel à une équipe de psychologues référents et ce, sans aucune limite.

Avec le blurring et les effets du télétravail, c’est en fait le sujet plus global de la santé mentale au travail qui vient sur le devant de la scène. On constate avec plaisir que les entreprises et les startups s’y attaquent et offrent des solutions pour améliorer le bien-être au travail. On se sent tout de suite mieux !

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