Chef d’entreprise : pourquoi et comment appliquer le droit à la déconnexion

Pourquoi le droit à la déconnexion s’est-il invité dans les débats ? Sûrement à cause de notre dépendance. 42% des utilisateurs de smartphones en France s’estiment en effet « dépendants » de leur portable, selon une étude de l’Ifop.

27% des cadres travaillent pendant leurs vacances

Qu’on se le dise: nous sommes 57% à nous dire incapables de passer une heure sans consulter notre smartphone. Une addiction qui nous suit également au travail et qui est même renforcée par nos métiers. Le culte de l’efficacité et de l’immédiateté nous pousse à répondre à toutes les demandes en temps réel. Ainsi 27% des cadres travaillent pendant leurs vacances. Les outils numériques ne nous aident pas à décrocher, au contraire. Désormais capable de travailler n’importe où et n’importe quand, la frontière entre la vie perso et pro s’estompe : un effet blurring qui n’est pas sans conséquence.

Ainsi The Boston Consulting Group a inscrit l’effacement des frontières entre vie privée et vie professionnelle comme faisant partie des potentiels facteurs déclencheurs de maladies professionnelles telles que le burn-out, ou encore le « FOMO » (Fear Of Missing Out), une forme d’anxiété sociale entraînant un rapport obsessionnel aux outils de communication.

On constate d’ailleurs une augmentation du nombre de journées d’arrêts maladie avec le développement de ces outils numériques. Ces études ont poussé à faire figurer le droit à la déconnexion dans la loi Travail, incitant tout chef d’entreprise à s’en préoccuper.

Le droit à la déconnexion: qu'est-ce que c'est ?

Entré en vigueur au 1er janvier 2017, ce droit n’est pas précisément défini. Il correspond à une sorte de droit au repos numérique, au respect du temps de congés, de la vie personnelle et familiale. Seules 16% des grandes entreprises ont appliqué les règles depuis l’instauration de ce droit dans la loi Travail. Il faut dire que la loi est essentiellement incitative. Cependant, les employeurs sont tenus d’inclure ce sujet dans les négociations collectives annuelles et de définir les modalités d’exercice de ce droit dans une charte annexée au règlement intérieur ou dans celle sur l’utilisation des outils informatiques et une régulation de l’utilisation des outils numériques.

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, cette négociation se fera en présence de délégués syndicaux. Pour les autres, le délégué du personnel peut être désigné pour être porte-parole : les PME sont donc elles aussi concernées par le droit à la déconnexion. Attention, ce droit peut aussi concerner les cadres dirigeants car ils ne sont pas exclus explicitement dans la loi (alors même qu’ils échappent à la réglementation sur le temps de repos). Mieux vaut donc trancher clairement la question. Si la loi ne prévoit pas de sanction pour le non-respect du droit à la déconnexion, les sollicitations professionnelles en dehors du temps de travail peuvent être invoquées en cas de litige (avec des attaques pour non-respect du repos hebdomadaire, harcèlement moral ou « burn-out »). D’ailleurs, les chefs d’entreprise ont à y gagner.

Pourquoi encourager la déconnexion ?

Plus de productivité

Se déconnecter a plusieurs avantages. Cela améliore la productivité. On le voit dans les pays qui ont un meilleur équilibre vie pro / vie perso : ce sont aussi les plus productifs ! Une étude Sodexo montre que les pays où les salariés disposent d’au moins 15 à 16 heures chaque jour pour s’occuper d’eux-mêmes, de leurs loisirs ou de leur famille sont aussi ceux que l’on retrouve parmi les plus productifs du monde.

Moins d'absences

En Allemagne, le nombre de jours de congés maladie posés par les salariés a augmenté de 40% entre 2008 et 2011, ce qui peut être expliqué par cette hyperconnexion qui nuit à la santé. En effet, des études ont montré qu’il existe une forte corrélation entre dépression et temps connecté. Quand on pose la question de savoir comment se sentent les personnes après avoir passé du temps devant un écran, le répondants sont nombreux à se dire « fatigués » et « vidés ». L’hyperconnexion a donc des conséquences néfastes comme le stress, le burn out, la perturbation de la vie privée etc.

Comment inciter ses salariés à déconnecter ?

Certaines entreprises ont mis en place des mesures fortes, par exemple en coupant les serveurs pour empêcher l’envoi et la réception d’email en dehors des heures de travail. Cette démarche mise en place par le groupe JLO n’a pas suscité de plaintes de la part des clients et s’est même transformée en valeur revendiquée face au client concernant le bien-être des salariés.
D’autres ont préféré une fenêtre pop-up qui apparaît au-delà d’une certaine heure pour rappeler la règle de respect du temps de repos, tout en laissant aux salariés le choix des urgences.

Plus facilement, la charte peut définir les plages horaires pendant lesquelles ne pas envoyer de mail, sms ou appels téléphoniques – sauf en cas d’urgence. Le groupe Schneider a ainsi fait chuter de 58% en six semaines le nombre d’emails reçus le soir et le week-end en encourageant certaines équipes (top management, RH, QVT et innovation IT) à évaluer la pertinence des e-mails reçus, la nécessité d’être en copie ou non, le caractère d’urgence au regard de l’horaire.

La charte peut aussi rappeler certaines bonnes pratiques telle que la formation : informer sur ce droit et sur les bonnes pratiques est recommandé par la loi et permet de modifier des habitudes qui se sont installées, y compris auprès du top management dont le rôle d’exemple est un facteur clé pour aider tous les salariés à déconnecter.

Quels outils mettre en place ?

Moins de mails
Grâce à des plateformes de discussion en interne, on peut limiter les mails envoyés. De nombreux outils – Slack, Microsoft Yammer, Twist – permettent des échanges rapides et ciblés.

Mails différés
Nombre de boîtes mail – Outlook, Gmail – permettent de programmer ses messages. Ainsi pour ceux qui travaillent en horaires décalés, il est possible de ne pas importuner ses collègues, tout en avançant.

Message d’absence
Systématiser le message lors de ses congés et mettre en place des solutions de back-up. Il est également possible de prévoir le paramétrage de la signature mail avec une indication sur les prochaines dates de congés.

Paramétrage du téléphone
Informer les paramétrages permettant de recevoir les emails uniquement à la demande et pas automatiquement.

Numéro pro sur silencieux
Une plateforme comme Onoff business permet aux entreprises d’attribuer des numéros de portable professionnels en quelques minutes et à moindres frais pour l’ensemble de ses employés. Ces numéros peuvent être mis en pause hors des périodes de travail ou lors des congés.

Réunion de sensibilisation
Faire prendre conscience aux managers sur les bienfaits du repos pour eux-mêmes et les autres, et des bonnes pratiques.

Mail-less Friday
En faire moins pour le faire mieux. C’est un peu le principe du Mail-less Friday, qui encourage à prendre conscience des vraies urgences et messages importants en limitant nos envois. Grâce aux Mail-Less Friday, PriceMinister a ainsi encouragé les managers à se ré-approprier ce temps libéré pour communiquer en direct avec leurs équipes. Résultat, des petits déjeuners ou des moments d’échanges que le numérique tend parfois à effacer.

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